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Photo du rédacteurCaroline Fabre-Rousseau

"La Vie ordinaire" d'Adèle Van Reeth, un livre pas ordinaire


J'adore écouter Adèle Van Reeth sur France Culture dans "les Chemins de la philosophie". Sa voix claire, sa pensée incisive, sa passion pour la philosophie, ses questionnements me stimulent et m'éclaircissent les idées. Quand j'ai écouté Adèle Van Reeth, je peux me mettre à écrire. C'est comme prendre un bain de mer un peu froid, ça fouette le sang. Je m'assois à mon bureau et je nage énergiquement. Je préfère Adèle Van Reeth au Code civil lu par Stendhal avant de se mettre à l'écriture pour purger son style.


Je l'avais écoutée présenter son livre sur France Culture, interrogée par Guillaume Erner et j'avais tout de suite eu envie de la lire. Le regard d'une femme sur la philosophie, l'écriture, la signification de l'ordinaire, c'était exactement ce qu'il me fallait, juste après le confinement.

J'ai eu la bonne surprise de le recevoir pour la fête des mères. On ne pouvait pas mieux choisir : le livre mêle réflexions philosophiques sur la base d'auteurs comme Emerson, Aristote, Kant, Pascal, Virginia Woolf, Nietzsche, Socrate, et vécu d'une femme amoureuse, puis enceinte, puis mère. Et cela change la donne. La vie à donner chamboule tout, notamment le sens que l'on s'efforçait de donner à la vie, si tant est qu'il y en ait un pour Adèle Van Reeth. Les questionnements philosophiques sont balayés par cette expérience fondatrice.

Moi qui ai eu quatre enfants, je me suis délectée à lire les descriptions féroces des journées harassantes d'une jeune mère en plein allaitement, les remises en question des modèles multi-séculaires, comme le lien mère enfant, la béatitude animale du dernier mois de gestation, j'ai été touchée par la déferlante amoureuse qui nous submerge à la découverte du minuscule nourrisson.

Mais j'ai surtout ressenti une certaine jubilation devant un constat évident, si évident qu'on ne s'en était encore jamais aperçu : aucun philosophe n'a jamais fait l'expérience de la maternité. C'est fou ! Et les seules femmes philosophes connues, Virginia Woolf, Hanna Arendt, Simone Weil, Simone de Beauvoir n'ont pas eu d'enfant.

Or c'est cette expérience fondatrice qui permet de comprendre la vie, mieux encore la vie ordinaire.

Celle qui est ordonnée, celle que chérissent Emerson et Kierkegard (qui va encore plus loin avec l'éloge de la routine) et qui déplaît tant aux âmes inquiètes.


 


"Je connaissais le malaise produit par la présence trop intense de l'existence qui s'empare de moi dans les moments ordinaires, je découvre l'inquiétude qui résulte de la certitude qu'il y a quelque chose de plus, un surplus d'existence qui n'est pas un double, ni l'effet de l'ivresse, mais le basculement du rien vers le quelque chose et du néant vers la vie. Paradoxalement, cette inquiétude me calme : à la différence de l'intranquillité, qui est sans raison, l'inquiétude a un objet que je peux nommer. Je suis inquiète pour quelqu'un, quand je suis intranquille tout court, sans raison. Désormais, donc, je serai inquiète, ça me reposera de l'intranquillité."(p 110)

" Je ne peux douter de tout puisque je suis enceinte. Je ne peux pas faire comme si puisque j'ai entendu un autre coeur que le mien battre à l'intérieur de mon corps. Mon septicisme vacille. Je suis contrainte d'atterrir. Et je trouve alors la solidité qu'aucun livre, aucun discours, aucune rencontre ne m'avait jamais apportée. Je ne peux plus dire que je ne suis pas. Mon existence est indubitable. Ou du moins, à cet instant, elle le fut."


 

L'irruption de la vie a tout chamboulé dans le rapport à l'ordinaire, mais aussi de la mort. Les dernières pages sont très touchantes, honnêtes et courageuses.

Je ne vais pas spoiler la fin, mais je vous recommande fortement la lecture de "La Vie ordinaire"d'Adèle Van Reeth, elle remet les idées en place, comme d'habitude, mais cette fois-ci de manière totalement incarnée.








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