top of page
  • Photo du rédacteurCaroline Fabre-Rousseau

Avoir de la chance, une question de chance ?

Dernière mise à jour : 8 mai 2020


La chance, une question de chance ?

Ben oui, quelle question ?! Il y en a à qui tout sourit et d'autres qui collectionnent les ennuis. D'ailleurs Calimero le sait bien. « C'est vraiment trop injuste ».







Et ceux qui répondent non, se rangent sans le savoir derrière Turnus, général imprudent loué par Virgile à qui il fait dire : « La chance sourit aux audacieux », mantra volontariste, un peu énervant.


Commençons par ceux qui n'ont pas de chance. Les malchanceux peuvent…


  • Être victimes d'une certaine distraction

Effectivement, certains Calimero n'ont vraiment pas de chance. Cela peut être drôle, quand la distraction en est la cause : les mésaventures de Gaston Lagaffe, des Dupont Dupond, du professeur Tournesol ou des pirates d'Astérix en sont la désopilante illustration.















Mais ça, c'est le monde merveilleux de la bande dessinée. Dans la vraie vie, les malchanceux peuvent…


  • Être maudits

Cela est tragique, et loin de moi l'idée de rendre responsable celui qui n'a pas de chance, comme le font les amis de Job. Selon eux, si Job subit tous les coups du sort possibles et imaginables, c'est qu'il a fait quelque chose de mal.

D'où le sacrifice de « boucs émissaires » dans les sociétés primitives anciennes (ou modernes), afin de détourner du courroux divin ceux qui n'étaient « pour rien » dans les épidémies ou autres drames. Suivez mon regard…

Mais selon les statisticiens, il n'y a pas de bonne ni de mauvaise fortune. Le monde n'est constitué que de mouvements aléatoires. Et le plus aléatoire, c'est l'histoire et la géographie. Les malchanceux peuvent tout simplement


  • Être nés au mauvais endroit au mauvais moment.

Dans mon premier roman, j'évoquais le drame des « Malgré nous », ces Alsaciens enrôlés de force dans la Wehrmacht. Devenus allemands sous les Prussiens en 1871, redevenus français en 1918, ils sont envahis par les armées d'Hitler en 1940 et envoyés en priorité sur le front de l'Est (80% d'entre eux y laisseront leur peau). À la fin de la guerre, beaucoup sont faits prisonniers par les Soviétiques, car assimilés aux Allemands et ne ressortent des stalags que dix ans plus tard.

C'est le drame de l'histoire, et être audacieux ou non n'y change rien. (D'ailleurs les audacieux dans ce contexte mettaient en danger toute leur famille s'ils désertaient, cf C’était malgré nous ).

Donc, vous m'avez bien compris, j'écarte de ce débat les trajectoires happées par l'histoire, comme celles par exemple du jazzman autrichien Eddie Rosner, dont j'ai raconté le tragique destin à la radio. Au lieu de fuir plein ouest quand la Pologne est envahi, il épouse une belle Polonaise et part à l'Est. Il se retrouvera plus tard au Goulag, après avoir joué du jazz à bord des trains de l'armée rouge.

Non, il s'agit aussi de tout autre chose, moins tragique. C'est ce sentiment diffus qui fait que 57% des Français sont persuadés ne pas avoir de chance. En fait, selon le psychologue Fritz Heider, ils peuvent tout simplement

  • être victimes de « la théorie de l'attribution »

C'est à dire attribuer leurs réussites ou leurs échecs à des causes internes (j'ai été génial/ nul), ou externes (le contexte m'a été favorable/défavorable). Or, quand on choisit la seconde option, on cède aux sirènes de la pensée magique pour relativiser la portée de sa responsabilité et on se dit pour se consoler que « c'est la faute à pas de chance ». Comme Calimero !


Alors, c'est quoi avoir de la chance ?


Avoir de la chance : réaliser son désir


Quand on parle de chance, il s'agit ici plus d'une posture, qui permet de conjuguer désir et réalisation. Mais pour la majorité d'entre nous, avoir de la chance, c'est

  • « gagner au loto ».

C'est à dire, un gros coup de veine, qui nous délivre de tout souci, de toute obligation de travailler… le bonheur, quoi.

Eh bien, détrompez-vous.


  1. ce n'est pas un hasard, c'est un métier. Connaissez-vous Joan Ginther, cette Américaine qui entre 1993 et 2010 a gagné quatre fois au loto ? Elle a dépensé environ 2,5 millions de dollars en tickets de loto, en calculant où et quand elle aurait le plus de chances de remporter la mise. Elle s'est obstinée et a fini par empocher plus de 20 millions de dollars. Elle a provoqué sa chance avec constance et détermination.

  2. Gagner au loto ne rend pas forcément heureux. Cela terrifie d'ailleurs l'héroïne de La Liste de mes envie de Grégoire Delacourt. Elle cache à son entourage sa « bonne fortune » de peur de rompre les liens authentiques avec sa famille et ses amis.

Alors, c'est quoi, provoquer sa chance ? C'est…


  • multiplier les occasions pour…

  • être là au bon moment,

  • voir la bonne personne au bon endroit.

  • être curieux, ouvert et culotté.

La publication de mon premier roman a été un mélange de chance, d'opportunités, de travail et de culot. Vous savez que pour être édité, il faut trouver la bonne maison d'édition, celle qui a la fameuse bonne « ligne éditoriale ». On s'épargne ainsi de nombreux refus démoralisants. Oui, mais comment faire coïncider son sujet et la dite maison ?

Le jour de mon anniversaire, au lieu de le fêter chez moi avec ma famille et mes amis, je suis partie à une soirée caritative au musée Fabre, écouter au milieu d'inconnus Didier van Cauwelaert parler d'un manga écrit avec une artiste. Le mélange des genres me plaisait et je suis venue avec mon manuscrit dans mon sac. Dans ma naïveté, je pensais demander au grand Didier de me donner son avis. Pouvait-il lire mon livre ? Me dire si je pouvais tenter ma chance ou le mettre à la poubelle ? Démarche stupide, je ne vous conseille pas de le faire, les auteurs n'ont pas le temps de lire des manuscrits, ce n'est pas leur job. Une personne avec un badge m'a vue dans la file d'attente, mon manuscrit serré contre mon cœur. Elle m'a demandé ce que c'était. Je lui ai raconté mon histoire. Elle m'a suggéré de l'envoyer à la maison d'édition directement. J'ai suivi son conseil et trois mois plus tard je recevais un coup de fil de Prisma m'annonçant que mon livre serait publié. Il se trouve que Prisma lançait une nouvelle collection de fictions, nom de code « sphère de l'intime » et que mon livre correspondait exactement à ce qu'ils recherchaient. Si j'étais restée tranquillement chez moi, je n'aurais jamais rencontré cet ange badgé qui m'a indiqué la bonne voie.

Mais avoir de la chance, ce n'est pas seulement ça. C'est aussi…


  • accepter de ne pas toujours en avoir.

  • comprendre que la vie est un parcours jalonné d'étapes et de bifurcations

  • réaliser que certains événements vécus comme une malchance s'avèrent être une chance a posteriori.

Dans « Music of the heart » sorti en 1999, Meryl Streep interprète la vie extraordinaire de Roberta Gaspari violoniste abandonnée par son mari, parti convoler avec sa meilleure amie. Pour s'en sortir, elle donne des cours de violon dans un quartier défavorisé de New York. Quand l'école décide de supprimer l'activité, elle se bat pour organiser un concert. C'est un triomphe. À un moment du film, alors qu'elle remercie sa mère pour son aide, celle-ci lui dit : « Remercie plutôt ton mari de t'avoir trompée. Sans lui, tu n'en serais pas là aujourd'hui ».

Je pourrais aussi vous parler de synchronicité, de Jung, de kairos, mais c'est à vous maintenant de prendre votre destin en main et d'augmenter vos compétences en matière de chance. Le sujet est vaste et passionnant, comme la vie. Car la chance, n'est-ce pas tout simplement le sens que l'on donne à sa vie, la direction ? Si on aime la vie, on a plus de chance de bien la mener. Le poète grec Eschyle n'a-t-il pas écrit : « Lorsqu'un homme conspire à sa propre perte, les dieux viennent l'y aider. » ? Alors, à vous de jouer…

59 vues4 commentaires

Posts récents

Voir tout
Post: Blog2_Post
bottom of page